Chercheuse au CREST et professeure à l’ENSAI, Marion Goussé consacre ses travaux aux inégalités sur le marché du travail, en particulier aux discriminations à l’embauche.
Avec Naomie Mahmoudi, elle a récemment mené pour APF France handicap une étude inédite sur les effets du handicap dans le processus de recrutement.
Basée sur une opération de testing à grande échelle, cette recherche met en évidence l’ampleur persistante des biais de sélection auxquels font face les candidats handicapés.
Les résultats, présentés dans plusieurs médias nationaux ont contribué à nourrir le débat public sur l’inclusion et l’égalité des chances.
Une étude rigoureuse, des constats sans appel
Pour évaluer la réalité de ces discriminations, les chercheuses ont envoyé 2000 candidatures fictives en réponse à des offres d’emploi réelles, ne différant que par la mention d’un handicap moteur ou auditif. Le handicap est parfois révélé dans une lettre de motivation et parfois révélé dans un CV Vidéo.
Résultat : à compétences égales, les personnes handicapées sont rappelées significativement moins souvent que les autres. Le handicap moteur diminue de 23% le taux de rappel, tandis que le cumul d’un handicap moteur et d’une déficience auditive le diminue de 36%.
L’analyse des réponses aux candidatures avec CV Vidéo est édifiante. Sur la vidéo, le handicap de la candidate est apparent. Impossible de passer à côté. Les chercheuses constatent que lorsque les vidéos sont vues, le taux de rappel est trois fois plus faible si la candidate est en fauteuil roulant (25% de taux de rappel) que si elle ne l’est pas (75% de taux de rappel).
L’écart se creuse particulièrement pour les métiers en contact avec le public, comme celui de secrétaire réceptionniste, alors qu’il reste plus faible pour les postes administratifs.
La mention d’une RQTH n’annule pas ces écarts, montrant que la discrimination ne tient pas à la forme de la candidature mais bien à la perception du handicap.
« La discrimination à l’embauche reste forte, même quand le handicap n’a aucun lien avec les compétences professionnelles », Marion Goussé sur France Inter.
Des leviers d’action à renforcer
Les résultats invitent à agir sur plusieurs fronts :
• Mieux former les recruteurs à la diversité et aux stéréotypes ;
• Rendre les environnements de travail plus accessibles, ce qui semble réduire les biais ;
• Encourager la transparence et le suivi statistique des pratiques de recrutement.
Ces conclusions alimentent une réflexion plus large sur la manière de garantir une égalité réelle d’accès à l’emploi.
Elles rappellent qu’au-delà des politiques publiques, l’inclusion repose aussi sur des pratiques concrètes dans les entreprises et sur une évolution des mentalités.
Pour aller plus loin
Rapport complet | La discrimination à l’embauche liée aux handicaps moteur et/ou auditif (APF France handicap, 2025)
Dossier synthétique | Emploi & handicap : une réalité enfin objectivée
Couverture médiatique :
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